Gilles Boeuf – Biologiste, Professeur à Sorbonne Université
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A l’occasion de la Journée Mondiale de l’environnement qui a lieu ce dimanche 5 juin nous vous partageons notre échange avec Gilles Boeuf, biologiste, professeur à Sorbonne Université. Dans cette #PositiveInterview le professeur nous explique ce qu’est la biodiversité, le biomimétisme, et surtout ce qu’on peut faire en tant qu’humain pour changer la tendance en terme d’effondrement du vivant.
Une interview inspirante mettant en avant un sujet que très peu présenté dans les médias : la biodiversité.
Que veut dire la biodiversité ?
La biodiversité c’est un mot qui a été inventé par des écologues de la conservation en 1985, c’est un mot assez récent, il vient de la contraction de l’anglais « biological diversity ».
Et en fait il représente tout le vivant, ça veut dire que c’est effectivement tout l’ensemble des relations que tous les êtres vivants, les bactéries, les protistes, les champignons, les plantes et les animaux ont établis entre eux et avec leur environnement. Et c’est vrai que la définition la plus simple que j’ai trouvé moi dans ma leçon au Collège de France c’est : la partie vivante de la nature. C’est ça la biodiversité, c’est tout ce qui est vivant et bien sûr l’humain est dedans. Et l’humain est très complexe, l’humain est une construction de milliards d’organismes avec plus d’organismes non humains qu’humain d’ailleurs dans lui et sur lui.
Pourquoi les enjeux de biodiversité inquiètent moins que ceux du climat ?
Ah ça il faut demander aux gens qui n’ont pas peur, qui ont peur du climat et qui n’ont pas peur du vivant. Va falloir poser la question. C’est assez simple parce que le changement climatique on en a parlé 8 fois plus dans les 20 ans écoulés que du vivant, déjà on en parle beaucoup plus. Et puis les gens tous les jours voient des images à la télévision de catastrophes naturelles d’une violence inouïe, donc ça leur fait peur effectivement. Alors que le vivant qui s’en va tout le monde s’en fout en fait depuis longtemps. On sera malheureux si le panda s’en va, l’éléphant d’Afrique mais le reste, la punaise des Galápagos ou bien le coquelicot des Bermudes on s’en fout. L’humain a complètement oublié qu’il est inscrit dans un tissu vivant dont il ne peut pas se passer. Et cette biodiversité nous ne mangeons que cela et nous ne coopérons qu’avec cela. Tant qu’on n’aura pas compris cela et qu’on ne sera pas depuis tout petit dès l’école maternelle complètement rempli de tout ça, on n’aura pas peur de l’effondrement du vivant alors que c’est largement aussi préoccupant bien sûr que le climat qui change trop vite. L’humain a oublié qu’il était vivant voilà c’est tout.
Comment éviter la myopie du désastre ?
D’abord admettre ce qu’on est, ça veut dire qu’on est vivant et qu’on n’est pas à côté de la nature, on est dedans. Ça changera tout parce que chaque fois qu’on viendra l’agresser, on va comprendre qu’on s’auto agresse, ce qui est un peu stupide pour une espèce qui s’est elle-même appelée sapiens.
Les piliers c’est : la science, pas les opinions. Depuis 2 ans on n’a que des opinions, si j’écoutais la campagne politique, c’était que des opinions, il n’y avait absolument rien d’autre là-dedans. La science n’est pas une opinion, c’est la politique laquelle on peut en discuter. C’est les ONG et les citoyens, et puis enfin c’est l’entreprise. Si ces 4 aspects-là se mettent à coopérer en France ensemble, peut-être qu’on a une petite chance d’échapper à cette myopie du désastre.
La biomimétisme c’est quoi ?
Oui alors le biomimétisme en fait il existe depuis très longtemps, on l’appelait « bionique » dans les années 50, mais c’était uniquement à des fins militaires. Le premier qui va en parler c’est Léonard de Vinci en 1516, il dit « prends tes leçons dans la nature c’est là qu’est notre futur ». C’est le fait d’aller chercher dans le vivant des idées, des exemples, des matériaux, des procédés, des systèmes, qui marchent bien mieux que nos systèmes à nous d’aujourd’hui. Parce que le vivant a un gros avantage par rapport à nous, il ne s’auto empoisonne jamais. Le vivant fait tout avec une énorme parcimonie d’énergie et le vivant en plus, il a tout résolu depuis 4 milliards d’années. Donc le biomimétisme c’est d’aller chercher dans le vivant des solutions à nos problèmes d’aujourd’hui.
Un positive word pour conclure ?
We have to change. On doit changer, Einstein disait « comment voulez-vous résoudre des problèmes avec les mentalités qui les ont créés ? ». Voilà, or nous on travaille que comme ça, donc nous devons complètement changer parce que si on change on pourra s’adapter. Donc le mot clé c’est adaptation bien sûr. Comment est-ce que l’humain va s’adapter ? Il pourra le faire s’il accepte de changer, mais on ne change toujours pas.